Légende de Moussa et Dassine
"Et dans le désert de mon coeur, qui agrandit le désert du sable,
le silence ajoute un voile sur mon voile, avec ses mains d'air et de sable.
Le silence ajoute un cri à tous les cris, avec sa bouche d'air et de sable.
Le silence ajoute une image à toutes les images, avec ses yeux d'air et de sable.
Et sous mes deux voiles, je vis deux fois pour t'entendre et pour te voir,
Ô Dassine, toi que je ne voulais plus nommer, et que je nomme sans cesse à chaque battement de mon coeur."
"Celui qui ne connaît pas le silence du désert,ne sait pas ce que c'est le silence..."
Grande poétesse, de son vrai nom DASSINE OULT YEMMA,
Dassine était une musicienne et poétesse targuie considérée comme “Grande Sultane du désert” et “Grande Sultane d'Amour” car elle était messagère de paix entre les touareg dissidents .
Elle était contemporaine de Charles de Foucauld qui parle d'elle comme d'une très belle femme:
"Dans tout l'Ahaggar, il n'y a pas de femme qui surpasse Dâssin. C'est une grande femme, elle a le teint clair, légèrement brun. Son visage est beau. Ses yeux sont magnifiques :
ils sont expressifs et rieurs. Elle a les dents blanches et brillantes. Sa démarche est élégante. Elle sait bien jouer du violon. Elle a une conversation agréable. Elle est d'une
grande intelligence. Rares, ou même inexistants, sont les hommes qui ont autant d'esprit que Dâssin dans l'Ahaggar."
Dans le poème qui suit, elle décrit notre écriture, celle des arabes et particulièrement l’écriture tamacheq des touareg, les tifinaghs. Ce poème fait rêver et touche profondément par sa simplicité et sa profonde humanité
« Tu écris ce que tu vois et ce que tu écoutes avec de toutes petites lettres serrées, serrées, serrées comme des fourmis, et qui vont de ton cœur à ta droite d'honneur.
Les arabes, eux ont des lettres qui se couchent, se mettent à genoux et se dressent toutes droites, pareilles à des lances : c'est une écriture qui s'enroule et se déplie comme le mirage, qui est savante comme le temps et fière comme le combat. Et leur écriture part de leur droite d'honneur pour arriver à leur gauche, parce que tout finit là : au cœur.
Notre écriture à nous, au Hoggar, est une écriture de nomades parce qu'elle est toute en bâtons qui sont les jambes de tous les troupeaux : jambes d'hommes, jambes de méhara, de zébus, de gazelles : tout ce qui parcourt le désert. Et puis les croix disent que tu vas à droite ou à gauche, et les points – tu vois, il y a beaucoup de points – ce sont les étoiles pour nous conduire la nuit, parce que nous les Sahariens, on ne connaît que la route qui a pour guides, tour à tour, le soleil et puis les étoiles. Et nous partons de notre cœur et nous tournons autour de lui en cercles de plus en plus grands, pour enlacer les autres cœurs dans un cercle de vie, comme l'horizon autour de ton troupeau et de toi-même. »
Ce poème de Dassine est tiré de “La Femme Bleue” de Maguy Vautier.